Je ne sais pas exactement combien de talks j’ai donné dans ma carrière (probablement quelques centaines). Je ne sais pas comment donner le meilleur talk du monde, par contre je vais partager avec vous un moyen (garanti!) d’améliorer n’importe quel talk—y compris le vôtre, donc.
Cette technique est valable pour tout le monde, du néophyte qui n’est encore jamais monté sur scène à l’intervenant·e chevronné·e.
La technique
Comme je déteste les vidéos de 30 minutes qui pourraient être résumées en 5 lignes (ça me fait perdre du temps, sans parler des ressources informatiques gaspillées pour le stockage, la transmission des données… bref!), ou les recettes de cuisine qui commencent par 3 pages de baratin (j’étais juste venu savoir combien de temps tu fais cuire tes broccolis au four et à quelle température, pas pour connaître la couleur du tablier de ta grand-mère), je vais tout de suite vous donner l’essentiel :
Répétez votre talk. PLUSIEURS FOIS.
Voilà.
Maintenant, je vais détailler un peu tout ça pour vous dire comment faire pour que cette répétition soit la plus efficace possible, et je terminerai avec une offre pour les intervenant·es de Cloud Native Days France 2026.
Répétition solo
Le truc de base, c’est de répéter son talk au moins une fois, tout·e seul·e. Ça, absolument tout le monde peut le faire.
Répéter, ça veut dire faire sa présentation comme si on était le jour J. Voilà une petite liste (non exhaustive) des détails auxquels je conseille de faire attention.
Présenter dans la même position
Dans la plupart des conférences ou meet-ups, on présente debout, derrière un pupitre. Faites pareil, en mettant votre ordinateur (ou tablette si vous présentez depuis une tablette) sur une table, voire sur un carton pour qu’il soit encore un peu plus haut, comme sur un pupitre de conférence.
Bien sûr, si votre présentation se déroule sous forme de wébinaire ou live stream où vous serez assis·e, bah faites la répétition assis·e aussi.
Bien sûr bis, la consigne « présentez debout » ne s’applique pas si vous êtes en fauteuil. D’ailleurs, au passage : si vous êtes en fauteuil et que vous vous demandez si c’est un obstacle pour monter sur scène, je vous réponds : pas du tout, et je le prouve grâce à Thanh Lan Doublier ou Bertrand Nau qui ont donné des présentations absolument badass à Devoxx, par exemple.
Présenter avec les slides du jour J
Faites votre répétition avec vos slides, et si possible, avec les slides le plus proche de leur état final.
Évitez d’avoir un trou de 5 slides « pour un truc que je vais ajouter plus tard ».
Quelques exceptions à cette règle :
- si vous voulez changer quelques phrases ou quelques images (on tolère!),
- si vous savez que le style ou thème sera changé pour coller à la charte graphique de votre entreprise ou de l’événement.
Pour clarifier : le but de la répétition, c’est de voir ce que votre présentation va donner dans les conditions du jour J. Si vos slides ne sont pas terminés… Bah on n’est pas dans les conditions réelles.
Présenter avec les démos
Si vous avez prévu de faire des démos lors de votre présentation : déroulez les démos en entier durant votre répétition. J’insiste. Lourdement.
D’abord, vous voulez être sûr·e que vos démos se passeront bien.
Ensuite, un des buts des répétitions c’est de vérifier le timing. Si vous sautez les démos, vous ne saurez pas quel est le timing total de votre présentation.
Enfin, cadeau bonus : si vous répétez votre démo, ça devient plus facile de l’enregistrer, ce qui peut vous donner un backup pour le jour de votre présentation.
Faire comme si il y avait une audience
Parlez à voix haute, comme si vous vous adressiez à un public devant vous. Donc :
- on ne fait pas le talk « dans sa tête »,
- on ne fait pas le talk en se parlant à soi-même,
- on ne fait pas le talk comme si on parlait à une seule personne en face ou à côté de soi.
Ce n’est pas toujours évident, surtout pour les gens n’ayant jamais pris la parole en public. Je vous donnerai un peu plus loin d’autres astuces si c’est votre situation.
Il y a des gens qui mettent des peluches ou des photos sur un canapé pour faire comme si il y avait une audience. Si ça marche pour vous, n’hésitez pas !
Mettre un chrono
Mettez un chrono sur votre téléphone, ou bien utilisez celui intégré à PowerPoint, Keynote, Google Slides, bref, le truc que vous utilisez pour votre présentation. Lancez le chrono juste avant de commencer à parler. Quand vous terminez votre présentation, regardez à combien de temps vous en êtes. Ça va vous donner une idée de la durée de votre présentation, et ça vous permettra de voir si vous êtes dans les clous par rapport au slot dont vous disposez le jour J.
Entre nous : c’est mon plus gros challenge quand je prépare une présentation ! J’ai souvent tendance à avoir trop (voire beaucoup trop) de contenu, et de déborder totalement sur le temps imparti. Les répétitions me permettent de savoir si je déborde, et surtout, de combien : est-ce qu’il faut que j’enlève quelques slides, ou carrément des parties entières ?
Ne pas s’arrêter
Pour que le chronométrage vaille le coup, il ne faut pas faire « oups j’ai raté un truc donc je reviens en arrière et je recommence », ni « bon là je vais prendre deux minutes de pause pour réfléchir à la partie suivante ».
Si vous vous rendez compte que vous vous reprenez sans arrêt lors de votre répétition : ce n’est pas un problème ! Ça m’arrive aussi de temps en temps, et de vouloir « tester » différentes formulations.
En ce cas, continuez mais ne tenez pas compte du chrono. Et une fois que vous avez fini, refaites une répétition avec le chrono, mais cette fois-ci, sans vous reprendre ou vous arrêter.
Répétition avec un·e collègue
Mieux que la répétition en solo : faire sa présentation devant des collègues (un·e c’est bien, plusieurs c’est mieux).
Déjà, ça nous donne une vraie audience.
Ensuite, ces collègues vont nous donner du feedback précieux !
Voici quelques instructions, non pas pour vous, mais pour les collègues.
Prendre des notes en direct
Arrangez-vous pour avoir une feuille de papier ou un bloc-note pendant la présentation.
À chaque fois qu’il y a un truc qui vous étonne (en bien ou en moins bien), notez-le. Notez le numéro de slide ou le titre du slide, histoire de pouvoir facilement retrouver où c’est dans la présentation.
Le but sera de pouvoir dire à la fin :
« Super ta métaphore entre les trames UDP et les auto-tamponneuses ! »
« Quand tu as parlé d’encapsulation, tu as parlé de GRE et SIT, je sais pas du tout ce que c’est, j’ai rien compris… »
« Dans le slide 17, tu as mis 2 S à défense. »
« Le meme avec la pieuvre slide 22, il m’a bien fait marrer ! »
Poser des questions à la fin
En général, à la fin d’une présentation, il y a du temps pour des questions. Alors, jouez le jeu : posez des questions à l’intervenant·e.
Ça peut être des demandes d’éclaircissements : « Tu dis que les GPU de datacenter ont davantage de VRAM que les GPU grand public, c’est quoi les ordres de grandeur ? »
Ça peut être pour challenger : « Tu dis que c’est impossible de faire tourner un LLM en local, pourtant j’ai entendu parler de Ollama, c’est quoi la différence ? »
Ça peut être des questions d’ouverture : « Est-ce que tu penses qu’on pourra faire tourner ça un jour sur des téléphones ou des Raspberry Pi par exemple ? »
Le but c’est :
- d’identifier les choses pas claires qui méritent d’être améliorées dans la présentation,
- de repérer les zones sur lesquelles l’intervenant·e est peut-être pas ultra carré·e,
- de pousser ou encourager l’intervenant·e à creuser certaines questions afin d’être mieux préparé·e le jour J.
Donner du feedback
Bon, on pourrait faire un article complet sur « comment donner du bon feedback ». Je vais me limiter à quelques conseils et suggestions simples.
Déjà, on va éviter le feedback négatif pas constructif.
Si vous pensez que le talk est vraiment pourri, plutôt que de « descendre » l’intervenant·e, essayez de dire ce qui ne vous plaît pas et comment l’améliorer.
Voici quelques exemples.
« C’est censé être un talk sur les nouveautés de Kubernetes 1.35, mais les 10 premières minutes c’était un rappel du fonctionnement du control plane. Personnellement, cette partie n’était pas utile pour moi ; j’aurais préféré que tu passes plus de temps sur les nouveautés à proprement parler. Est-ce que le talk s’adresse à des néophytes ou bien à des gens qui connaissent déjà Kubernetes ? »
« Je n’arrive pas du tout à lire le texte sur tes diagrammes. Est-ce que tu crois qu’au lieu d’utiliser une fonte cursive tu pourrais essayer avec du sans serif plus classique, en taille plus grande, peut-être en gras ? »
Si le problème se situe davantage au niveau de la « delivery » (hésitations, balbutiements, l’intervenant·e cherche ses mots…) bonne nouvelle : ça se résout souvent avec davantage de répétitions ! Donc le feedback peut être « Le talk est intéressant ! Bon par contre, t’avais pas l’air super à l’aise. Ça te dit de prendre une pause et refaire une répétition ensuite ? » (Bien sûr, ça suppose que vous avez le temps pour une deuxième répétition.)
Enfin, n’oubliez pas de dire aussi ce qui va bien, ce qui vous a plu, grâce aux notes que vous avez prises !
(Parfois, pour donner du feedback négatif, on conseille de l’enrober en donnant un feedback positif avant et un autre après. À vous de voir!)
Répétition avec un·e mentor
Et si, au lieu de présenter à des collègues, vous pouviez présenter à quelqu’un qui connaît le domaine, qui s’y intéresse et qui a une longue expérience d’interventions en public ?
A priori, cette personne n’aura aucune difficulté pour comprendre de quoi vous parlez. Et elle pourra vous faire du feedback pertinent, basé sur sa propre expérience de speaker, avec des trucs et astuces testés, éprouvés, et approuvés.
C’est ce que je propose à tous les intervenants et intervenantes de Cloud Native Days France 2026 : si vous le souhaitez, je me rendrai disponible pour vous faire répéter votre talk. Plusieurs fois si vous le souhaitez.
C’est quelque chose que j’ai fait de nombreuses fois par le passé, par exemple quand je faisais partie du comité de programme de DockerCon, ou bien lors de Kubernetes Community Days France 2023.
Cela a toujours amélioré la qualité des talks ; parfois de manière considérable.
Concrètement, comment ça se passe ?
Si votre proposition de talk est retenue, l’équipe vous proposera de faire une répétition (avec moi ou d’autres volontaires). Cette répétition se déroulera dans les semaines avant la conférence, en visio. (Ou même encore plus tôt si votre talk est prêt avant!)
Durant la répétition, je vais prendre des notes (comme expliqué plus haut), et probablement faire des suggestions d’amélioration (sauf si vous êtes déjà au top, auquel cas bravo👏🏻).
Si vous le souhaitez, on pourra faire plusieurs répétitions, surtout si c’est votre première présentation et que vous ne savez pas trop comment vous y prendre. Ne vous en faites pas : j’ai l’habitude (et je ne mords pas ; de toute façon c’est en visio😁).
Gardez en tête que comme je fais partie de l’équipe d’organisation de l’événement, c’est tout dans mon intérêt d’avoir les meilleurs talks possibles ; je ne suis pas là pour vous descendre, mais pour vous aider à délivrer une présentation mémorable.
Autrement dit, si vous n’avez pas encore d’expérience en tant que speaker et que cela vous bloque pour répondre à l’appel à propositions (CFP), maintenant vous n’avez plus d’excuse !
Je termine avec quelques données importantes :
- date de clôture de l’appel à propositions : 5 octobre 2025
- date de la conférence : mardi 3 février 2026
- taille et lieu de l’événement : plus de 2000 personnes à Paris, France
Pour soumettre votre proposition, c’est par là!